Enfants, adolescents et autorité : nos enfants sont des mutants !

Ces parents manquent d’autorité !

Ce qui lui faudrait à ce gosse, c’est des limites…

Ah, ces enfants se croient tout permis !

De mon temps, jamais je n’aurais osé répondre à mon père !

A notre époque, on se levait quand le professeur entrait dans la classe.

Les enfants de maintenant, ils ont bien changé, vous avez vu comme ils nous regardent ?

Quel parent, quel enfant, quel éducateur n’a jamais entendu ces remarques ?

Est-il possible d’envisager les relations parents enfants autrement ? De sortir de la responsabilité individuelle, du simpliste « c’est un problème d’éducation ! », pour aller vers du collectif, du social, du sociétal ?

Si tous les grands-parents, parents, éducateurs, enseignants s’accordent à dire que les jeunes de maintenant ne sont plus comme ceux d’avant, c’est probablement que le façonnement psycho sociétal de ces jeunes est complètement différent du nôtre : ce sont des mutants !

En remontant dans l’histoire nous pouvons observer plusieurs mutations profondes de la société :

  • celle qui a vu remplacer les Romains par les Chrétiens au IV siècle,
  • puis la confrontation avec les civilisations arabes et les croisades au X – XIIe siècle
  • puis encore la Renaissance,
  • et enfin le siècle des Lumières qui a façonné notre société telle que nous la vivons encore, nous, nés à la fin du XXe siècle.

A chaque mutation la civilisation, ses règles, ses comportements et ses codes sociaux ont été complètement bouleversés, façonnant ainsi des individus nouveaux, agissant selon le nouvel environnement social.

Ainsi nos jeunes façonnés par un nouveau paradigme social, fonctionnent différemment, et leurs valeurs sont différentes des nôtres. Leur personnalité de base est construite différemment.

Nous, parents du “vieux monde” :

  • nous reconnaissons à travers le groupe
  • sommes hétéronomes
  • avons une intelligence objectivante
  • la reconnaissance de l’autre comme condition au sentiment d’exister
  • un collectif produit des sujets
  • vivons selon la morale : « tu feras, tu ne feras pas »
  • définissons l’autorité comme un rapport de domination / soumission

Eux, jeunes et mutants :

  • sont individualisés
  • sont autonomes
  • ont une intelligence émotionnelle
  • la visibilité comme condition au sentiment d’exister
  • les individus produisent un collectif
  • vivent selon une éthique : « je ferai, je ne ferai pas »
  • sont égalitaires

autorité verticale vs égalitarité, l’escalade de la violence

La confrontation de notre système d’autorité basé sur l’inégalité et du leur basé sur l’égalité, produit de la violence dans les rapports familiaux et à l’école. Parents et éducateurs « du vieux monde » attendent des mutants une forme de respect fondé sur la domination du prof / soumission de l’élève.

Les mutants, eux, respectent les autres et attendent du respect de leur part sur une forme égalitaire.

Chacun de son côté ne comprenant pas le comportement de l’autre, la relation ne peut pas s’établir. La communication ne peut pas se faire. Chacun alors pensant que l’autre n’a pas compris, produit plus de la même chose, et la violence augmente dans cette escalade symétrique d’incompréhension.

Ainsi un prof qui attend légitimement du respect de la part de ses élèves, va leur envoyer des signaux d’autorité (voix forte, position haute, vocabulaire autoritaire…), et attend en retour des signaux de soumission (silence, yeux baissés, pas de casquette…)

Et l’élève mutant qui lui aussi attend légitimement du respect de la part du professeur va lui envoyer des signaux égalitaires (regard droit, vocabulaire et attitude égalitaire…)

Ce que le professeur va prendre pour des signes de défi, et l’amener à renforcer son attitude d’autorité, pour obtenir le respect hiérarchique auquel il s’attend en retour.

Incompréhension => escalade symétrique => violence.

Les enseignants ne comprennent plus les élèves, qui ne comprennent pas mieux les enseignants. L’autorité verticale à laquelle ils sont soumis, la négation de ce qu’ils sont détruisent leur estime de soi et compromet leur développement.

morale vs éthique, vers l’exemplarité des éducateurs – éduquer nos enfants autrement

Nous de l’ancien monde, sommes soumis aux règles hiérarchiques, sociales, religieuses, familiales que nous avons intériorisées et qui nous dictent ce que nous pouvons faire et ne pas faire.

Eux, mutants, vivent dans l’incapacité de se soumettre à une autorité verticale. Autonomes, il décident eux-mêmes de ce qu’ils peuvent faire ou non.

Là encore, cela signe la fin de l’éducation par la soumission et l’injonction arbitraire : « Fais-ce que je te dis et pas ce que je fais » n’a aucun sens pour eux. Ce qu’ils voient, c’est ce que nous faisons, et, égalitaires, ils ne voient pas d’objection à faire la même chose !

Voilà les parents, enseignants, éducateurs, adultes en général responsables d’être exemplaires…

Dans les relations intra-familiales, l’enjeu d’une thérapie familiale est de renouer le contact parents-enfants, d’apprendre à connaître le monde de l’autre et de trouver une façon de communiquer et de s’accepter. Développer la créativité des parents de mutants qui doivent trouver comment éduquer leurs enfants dans une relation égalitaire mais non symétrique. Parents qui n’ont pour modèle que l’ancien monde…

Merci à M Gaillard pour sa relecture attentive !

Pour aller plus loin lire Jean-Paul Gaillard, thérapeute systémicien de famille, psychanalyste, formateur (entre-autres), auteur de enfants et adolescents en mutation.

One Reply to “Enfants, adolescents et autorité : nos enfants sont des mutants !”

  1. Pingback: Ressources pour hypers – Thérapie de couple et familiale

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

*